jeudi 13 janvier 2011

Another Year : la tragédie des solitudes

Another Year et c'est la fin d'un siècle.
Antoher Year et rien ne change.

Tom (Jim Broadbent), Gerry (Ruth Sheen), le mariage incarné, au potager en compagnie de leur fils Joe (Oliver Maltman), l'adulescent

De prime abord, le film de Mike Leigh semble illustrer l'immuabilité – des saisons d'abord, du couple surtout. Du couple comme seul refuge à la tragédie humaine ; de celui que forment Tom et Gerry en particulier. Tom et Gerry ou le couple modèle – amour, famille et réussite sociale, et ces menus plaisirs d'un quotidien ronronnant. Le bonheur tiède et tranquille des bâtisseurs de civilisation. Mais un absolu déliquescent ; un modèle hors d'atteinte, sinon pour ses propres enfants.
L'image, pourtant, dans Another Year est changeante ; non que les protagonistes dérogent à leur constance : ils vacillent dans l'œil du spectateur. Car à trop le contempler, un tel monolithe ne peut être qu'écrasant et glacial, sans prise aucune tant il est concentré sur son seul noyau.

Ken (Peter Wight) et Mary (Lesley Manville) préfèrent oublier leur fardeau en solitaire

Autour du couple gravitent des figures esseulées, fulgurantes ou récurrentes. Revendiquant leur bonheur de façade et leur indépendance, mais comme hypnotisées par la figure granitique du couple amoureux à travers les âges. Des solitaires malheureux et complexés, dont la vie sans moitié est un naufrage. Disant chacun quelque chose de l'incommunicabilité des êtres, de la déréliction à l'aube d'un nouveau millénaire – ou de tout temps ? La fin d'un siècle... et rien ne change.
Tom+Gerry comme une icône solaire qui brûlerait ceux qu'elle attire le plus. Ainsi de Mary, vraie héroïne d'Another Year, fille perdue à la recherche à la recherche d'une famille d'adoption ; acceptée puis rejetée, regardée avec la plus cruelle condescendance, pour son incapacité à effleurer le modèle, voire la possibilité qu'elle l'ébranle.

Peut-être le spectateur est-il libre de se choisir tel ou tel alter ego dans la toile de Mike Leigh ; l'un pourra y voir une ode au mariage, l'autre une démonstration du lent naufrage d'un anachronisme. Derrière un vernis doux-amer, chacun verra dans Another Year une tragédie des comédies humaines.

Another Year, de Mike Leigh (2010, Royaume-Uni, 2h09)
Avec Lesley Manville, Ruth Sheen, Jim Broadbent...


*** Une autre critique :
«Another Year : l'impitoyable mécanique des saisons qui passent», la critique de Thomas Sotinel pour Le Monde.

Aucun commentaire: