dimanche 7 février 2010

Mother, génial hybride


La mère (jamais nommée) est incarnée par Kim Hye-ja, mère-courage vedette
des téléfilms coréens (photo du film copyright Diaphana Films)

Dans Mother, c'est évidemment un personnage de mère qui est au centre. Mais elle regarde ailleurs en permanence, semble ne vivre que pour son fils — Do-joon, simple d'esprit qui à 28 ans dort encore contre son sein.
Le couple fusionnel vit sa routine dans un bourg rural d'une grande quiétude. Mais cette tranquillité de façade est vite troublée par un crime : une lycéenne est retrouvée morte, et tout accuse Do-joon... qui ne se souvient de rien.

Le film de Bong Joon-ho balance entre mélodrame et polar, entre une enquête à suspense, menée par une mère en furie pour innocenter son enfant, et le portrait touchant de protagonistes à la marge de la société. Et pourtant Mother conserve presque tout du long ce calme parfois irréel, zébré d'éclairs de violence, de scènes surréalistes et d'éclats d'humour noir ou burlesque.
Le jour, dans la douceur solaire, le spectateur ne peut soupçonner la nuit, les jours d'orage, les dessous sordides de cette société. L'image d'Epinal est vite ébranlée par la quête violente et désespérée de la mère ; le vernis du tableau idyllique se fissure sous la révélation du vice et de la violence, de l'injustice et de tous les non-dits de cette communauté.

Do-joon (Won Bin), simple d'esprit dépendant de sa mère, lutte contre sa mémoire
(photo du film copyright Diaphana Films)

Il y a du génie dans ce mélodrame grinçant qui s'acoquine avec le policier contemplatif. Le génie de la mise en scène — l'esthétique du film est incroyable, chaque plan raconte mille histoires, fascine. Un vrai don pour faire vivre ces personnages bizarres et denses. Et la réussite éclatante d'une hybridation des genres, qui tient en haleine autant qu'elle touche, effraie, déchire même. Bong Joon-ho se paie jusqu'au luxe de livrer par touches légères une vraie réflexion sur la mémoire...

Mother, de Bong Joon-ho (2010, Corée, 2h10) Avec Kim Hye-ja, Won Bin...

*** Plus d'infos :
  • « Médée matériau », la critique de Mathieu Macheret sur Critikat.
  • « Mother : femme prête à tout pour sauver son fils », la critique de Jean-François Rauger sur le site du Monde.

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