dimanche 17 janvier 2010

Le Père Brown, enquêteur humaniste


La Clairvoyance du Père Brown est le premier recueil des nouvelles plus moins policières de Gilbert Keith Chesterton (1874-1936). Je l'ai lu dans l'exhaustive édition Omnibus des enquêtes du bonhomme, que je découvrais ainsi et qui m'ont conquis.

Gilbert Keith Chesterton en 1914
(photographie libre de droits, auteur inconnu)


Evidemment britannique, comme son héros, l'auteur est
"une figure majeure de la littérature anglaise", selon la présentation du rabat de couverture. Il est très connu dans son royaume natal et "fut en 1928 le premier président du Detective Club, association regroupant des auteurs de romans policiers (dont Agatha Christie)".
Mais contrairement à ce que j'imaginais,
Les Enquêtes du Père Brown ont peu en commun avec les démonstrations de logique d'Hercule Poirot, quoiqu'on tienne là deux héros des plus clairvoyants.
Les récits de Chesterton sont courts, et s'éloignent du policier à énigmes. Le Père Brown est prêtre ; il observe, écoute et parfois sermonne de singuliers individus. Plus que le puzzle criminel, ce sont l'intrigue et les histoires personnelles qui importent ici.
Présenter les protagonistes conduirait à déflorer les intrigues ; mais on croise dans ces pages un simple d'esprit honnête jusqu'à l'absurde, des frères rivaux aux caractères semblables ou opposés ; on assiste à une fantaisie anglaise avec Pierrot, Colombine et un bel imprévu ; et le Père Brown mène le lecteur des faubourgs de Londres à une île aux roseaux, ou jusqu'au plus sombre des châteaux écossais - flirtant parfois avec le fantastique.

En installant des atmosphères variées, toujours évocatrices, en distillant les réflexions et commentaires du Père Brown, en déroulant des intrigues captivantes, originales et souvent édifiantes, enfin en donnant vie à des personnages hauts en couleur, humains avant d'être criminels, Chesterton livre un recueil fascinant, écrit dans une langue légère et soignée, qui semble joliment traduite. Et sans même s'en apercevoir, on en vient à méditer gaiement ces récits et caractères.

La Clairvoyance du Père Brown, de Gilbert Keith Chesterton (1911), traduction d'Emile Cammaerts révisée par Anne Guillaume (248 pages).
Lu dans le recueil Les Enquêtes du Père Brown, aux éditions Omnibus (1216 pages, 28 euros).

*** Plus d'infos :
  • "Chesterton, la pesanteur et la grâce", une biographie de l'auteur complète et bien écrite, de François Rivière, sur le site du Figaro.
  • "Le père Brown, détective thomiste", une critique du recueil de nouvelles, de Pierre Assouline, sur son blog La République des livres.
  • Après de rapides recherches, il semble que ces deux sites soient les plus complets dans leur langue respective : "Un nommé Chesterton, le blog des amis de Gilbert Keith Chesterton" et "The American Chesterton Society, Common sense for the world's uncommon nonsense".
  • Les éditions Ombres ont publié le recueil que j'évoque sous le titre L'Innocence du Père Brown dans leur collection de poche (12 euros, 320 pages). Quelques-unes des nouvelles ont été compilées sous une préface de Jorge-Luis Borges, qui l'admirait, dans la luxueuse Bibliothèque de Babel par les défuntes éditions du Panama, sous le titre de l'une d'elles, L'Oeil d'Apollon.
  • Les éditions Gallimard publient dans leur économique collection de poche Folio deux autres recueils de nouvelles, Trois enquêtes du Père Brown (2 euros, 128 pages) et La Sagesse du Père Brown (5,60 euros, 256 pages).

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